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LA CONSTITUTION APPLIQUÉE


siens entrent en Champagne, que l’insurrection de la Vendée ajoute les déchirements de la guerre civile aux menaces de la guerre étrangère, et que le cri de trahison éclate de toutes parts ? — Déjà le 14 mai, à Metz[1], M. de Ficquelmont, ancien chanoine, ayant causé sur la place Saint-Jacques avec un hussard, a été taxé d’embauchage pour les princes, enlevé malgré une triple haie de gardes, assommé, percé, haché, à coups de bâtons, de baïonnettes et de sabres : autour des meurtriers, la multitude forcenée poussait des cris de rage, et, de mois en mois, à mesure que ses craintes augmentent, son imagination s’exalte et son délire s’accroît. — Qu’on en juge par un seul exemple. Le 31 août 1792[2], huit mille prêtres insermentés, chassés de leurs paroisses, sont à Rouen, ville moins intolérante que les autres, et, conformément au décret qui les bannit, se préparent à sortir de France. Deux navires en ont déjà emmené une centaine ; cent vingt autres s’embarquent pour Ostende sur un plus grand bâtiment. Ils n’emportent rien avec eux, sauf un peu d’argent, quelques hardes, une, ou tout au plus deux parties de leur bréviaire, parce qu’ils comptent revenir bientôt. Chacun a son passeport en règle, et, juste au moment du départ, la garde nationale a tout visité pour ne laisser fuir aucun suspect. — Il n’importe : arrivés à Quillebœuf, les deux premiers convois sont arrêtés. En effet, le bruit s’est répandu

  1. Archives nationales, F7, 3246. Procès-verbal de la municipalité de Metz (avec pièces à l’appui), 15 mai 1792.
  2. Mémoires de l’abbé Bâton, l’un des prêtres du troisième convoi (évêque nommé de Séez), 233.