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LA RÉVOLUTION


chassés de leur logis, ils errent en fugitifs dans les oseraies du Rhône, attendant un moment de répit pour traverser le fleuve et se réfugier dans le département voisin[1]. — Ainsi, dès le printemps de 1792, lorsqu’un citoyen est suspect de malveillance ou seulement d’indifférence envers la faction maîtresse, lorsque, par une seule des opinions de son for intérieur, il encourt la possibilité vague d’une méfiance ou d’un soupçon, il subit l’hostilité populaire, la spoliation, l’exil et pis encore, si légale que soit sa conduite, si loyal que soit son cœur, si désarmée et inoffensive que soit sa personne, quel qu’il soit, noble, bourgeois, paysan, vieux prêtre ou vieille femme, et cela quand le péril public n’est encore ni grand, ni présent, ni visible, puisque la France est toujours en paix avec l’Europe et que le gouvernement subsiste encore dans son entier.

IX

Que sera-ce donc, à présent que le péril, devenu palpable et grave, va croissant tous les jours, que la guerre est engagée, que l’armée de La Fayette recule à la débandade, que l’Assemblée déclare la patrie en danger, que le roi est renversé, que La Fayette passe à l’étranger, que le sol de la France est envahi, que les forteresses de la frontière se rendent sans résistance, que les Prus-

  1. Archives nationales, ib., lettre d’Amiel, président du bureau de conciliation à Avignon, 28 octobre 1792, et autres lettres au ministre Roland. — F7, 3217. Lettre du juge de paix de Roquemaure 31 octobre 1792.