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LA CONSTITUTION APPLIQUÉE


pillées « comme au temps des pirates sarrasins », une taxe de 1 400 000 livres levée sur tous les gens aisés, absents ou présents, des femmes et des filles demi-nues promenées sur des ânes et fouettées publiquement. « Un comité de sabres » dispose des vies, désigne et frappe ; c’est le règne des mariniers, des portefaix, de la dernière populace. — À Avignon[1] c’est celui des simples brigands, incendiaires et assassins, qui six mois auparavant, ont fait de la Glacière un charnier. Ils reviennent en triomphe et disent que « cette fois la Glacière sera pleine ». Déjà avant le premier massacre, cinq cents familles se sont sauvées en France ; à présent tout le demeurant de la bourgeoisie honnête, douze cents personnes prennent la fuite, et la terreur est si grande, que les petites villes voisines n’osent recevoir les émigrants. En effet, à partir de ce moment, les deux départements tout entiers, Vaucluse et Bouches-du-Rhône, sont une proie : des bandes de deux mille hommes armés, avec femmes, enfants et autres acolytes volontaires, se transportent de commune en commune pour y vivre à discrétion aux dépens « des fanatiques » ; et ce ne sont pas seulement les gens bien élevés qu’ils dépouillent. De simples cultivateurs, taxés à 10 000 livres, reçoivent soixante garnisaires ; on tue et mange leur bétail sous leurs yeux, on brise tout chez eux ; ils sont

  1. Mercure de France, 19 mai 1792 (séance du 4 mai), pétition de quarante Avignonnais à la barre de l’Assemblée législative. — Archives nationales, F7, 3195. Lettre des commissaires du roi près le tribunal d’Apt, 15 mars 1792 ; procès-verbal de la municipalité, 21 mars ; lettre du directoire d’Apt, 23 et 28 mars 1792.


  la révolution. ii.
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