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LA CONSTITUTION APPLIQUÉE


coterie de la garde nationale, qu’on nomme la Bande noire, expulse les gens qui lui déplaisent, « pille à son gré dans les maisons, assomme, blesse ou mutile à coups de sabre ceux qui ont été proscrits dans ses assemblées », sans qu’aucun huissier ou avoué ose se charger d’une plainte. Le brigandage, empruntant le masque du patriotisme, et le patriotisme, empruntant les procédés du brigandage, se sont unis contre la propriété en même temps que contre l’ancien régime, et, pour se délivrer de tout ce qui peut leur inspirer une crainte, ils se saisissent de tout ce qui peut leur fournir un butin.

Pourtant ce ne sont encore là que les alentours de l’orage ; le centre est ailleurs, autour de Nîmes, Avignon, Arles et Marseille, en un pays où, depuis longtemps, le conflit des cités et le conflit des religions ont amassé et enflammé les passions haineuses[1]. À regarder les trois départements du Gard, des Bouches-du-Rhône et du Vaucluse, on se croirait en pleine guerre barbare. En effet, c’est l’invasion

  1. Archives nationales, F7, 3217. Procès-verbal des commissaires du département du Gard, 1er, 2, 3, 6 avril 1792, et lettre du 6 avril. Un propriétaire est taxé à 100 000 livres. — Ib., F7, 3223. Lettre de M. Dupin, procureur-syndic de l’Hérault, 17 et 26 février 1792. Au château de Pignan, à Mme de Lostanges, « il n’est pas resté de tous les meubles une pièce entière. La cause de ces troubles est dans les passions religieuses. Cinq ou six prêtres insermentés avaient le château pour retraite ». — Moniteur, séance du 16 avril 1792, lettre du directoire du département du Gard. — Dampmartin, II, 85. À Uzès, 50 à 60 hommes masqués envahissent à dix heures du soir le château ducal, mettent le feu aux archives, et le château est incendié.