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LA RÉVOLUTION


sissant par leur violence même jusqu’à former des bandes de deux mille hommes, ferment les églises, chassent les curés insermentés, enlèvent le battant des cloches, boivent et mangent à discrétion aux frais des habitants, et parfois, chez le maire ou le receveur de l’enregistrement, se donnent le plaisir de tout casser. Si quelque officier public leur fait des remontrances, ils crient « À l’aristocrate ! » l’un de ces conseillers malencontreux reçoit un coup de crosse dans le dos, et deux autres sont couchés en joue ; du reste, les chefs de l’expédition ne sont pas en meilleure passe, et, de leur propre aveu, s’ils sont en tête, c’est pour ne pas être eux-mêmes pillés ou pendus. Même spectacle dans la Mayenne, dans l’Orne, dans la Moselle, dans les Landes[1]. — Mais ce ne sont là que des éruptions isolées et presque bénignes ; au Sud et au Centre, le fléau se déclare par une énorme plaque de lèpre qui, depuis Avignon jusqu’à Périgueux, depuis Aurillac jusqu’à Toulouse, couvre tout d’un coup et presque sans discontinuité dix départements, Vaucluse, Ardèche, Gard, Cantal, Corrèze, Lot, Dordogne, Gers, Haute-Garonne, Hérault. Les grosses masses rurales se sont ébranlées toutes à la fois, de toutes parts, et pour les mêmes causes, qui sont l’approche de la guerre et l’approche de Pâques. — Dans le Cantal, à l’assemblée de canton tenue à Aurillac pour le

  1. Moniteur, XII, 200. Rapport de M. Cahier, 23 avril 1792. Les directoires de ces quatre départements refusent de retirer leurs arrêtés illégaux, alléguant que « leurs gardes nationales armées poursuivent les prêtres réfractaires ».