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LA CONSTITUTION APPLIQUÉE


départements eux-mêmes sont à la tête des rabatteurs. Six mois plus tard, par son décret du 29 novembre[1], l’Assemblée législative sonne l’hallali, et, malgré le veto du roi, de toutes parts les meutes se lancent. Au mois d’avril 1792, quarante-deux départements ont pris contre les prêtres insermentés « des arrêtés qui n’étaient ni prescrits ni autorisés par la Constitution », et, avant la fin de la Législative, les quarante-trois autres auront suivi leur exemple. — Par cette série d’arrêtés illégaux, sans délit ni jugement, les insermentés sont partout en France expulsés de leur paroisse, internés au chef-lieu du département ou du district, en quelques endroits emprisonnés, assimilés aux émigrés, dépouillés de tous leurs biens, meubles et immeubles[2]. Il ne manque plus contre eux que le décret général de déportation, qui va venir sitôt que l’Assemblée sera débarrassée du roi.

Cependant les gardes nationales, qui ont extorqué les arrêtés, se mettent en devoir de les appliquer en les

  1. Duvergier, décrets (non sanctionnés) du 29 novembre 1791 et du 27 mai 1792. — Après la chute du trône, décret du 26 août 1792. — Moniteur, XII, 200 (séance du 23 avril 1792), rapport du ministre de l’intérieur.
  2. Lallier, le District de Machecoul, 211, 263. — Archives nationales, F7, 3234. Réquisitoire du procureur de la commune de Tonneins (21 décembre 1791), pour arrêter ou expulser huit prêtres « au moindre acte d’hostilité intérieure ou extérieure ». — Ib., F7, 3264. Arrêté du Conseil général d’administration de la Corrèze (16, 17, 18 juillet 1792), pour mettre en état d’arrestation tous les prêtres insermentés. — Entre ces deux dates, on trouve dans presque tous les départements des arrêtés de diverses sortes et de plus en plus sévères contre les insermentés.