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LA CONSTITUTION APPLIQUÉE


Saint-Louis, parfois une maigre pension, étaient tout ce qu’il avait le droit d’attendre. — Sur neuf à dix mille officiers, le plus grand nombre, sortis de la petite et pauvre noblesse provinciale, gardes du corps, lieutenants, capitaines, majors, lieutenants-colonels et même colonels, n’ont pas d’autre prétention. Résignés aux passe-droits[1], confinés dans leur grade secondaire, ils laissent les très hauts emplois aux héritiers des grandes familles, aux assidus ou aux parvenus de Versailles, et se contentent d’être de bons gardiens de l’ordre public et de braves défenseurs de l’État. À ce régime, quand le cœur n’est pas très bas, il s’élève : on se fait un point d’honneur de servir sans récompense ; on n’a plus en vue que l’intérêt public, d’autant plus qu’en ce moment il est l’objet de toutes les préoccupations et de tous les écrits. Nulle part la philosophie pratique, celle qui consiste dans l’esprit d’abnégation, n’a pénétré plus profondément que dans cette élite méconnue. Sous des dehors polis, brillants et parfois frivoles, ils ont l’âme sérieuse ; leur vieil honneur est devenu du patriotisme. Préposés à l’exécution des lois, ayant en main la force pour maintenir la paix par la crainte, ils sentent

  1. Dampmartin, I, 135. Au commencement de 1790, « les officiers simples disaient : Nous devrions faire des réclamations ; car nos griefs sont au moins aussi nombreux que ceux de nos cavaliers ». — M. de la Rochejaquelein disait après ses grands succès de Vendée : « J’espère que le roi, une fois rétabli, me donnera un régiment. » Il n’aspirait à rien de plus. (Mémoires de Mme de la Rochejaquelein.) — Cf. Un officier royaliste au service de la République, par M. de Bezancenet, lettres et biographie du général de Dommartin, tué dans l’expédition d’Égypte.