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LA RÉVOLUTION


« ont déclaré sacré ? — Pourquoi désarmer de préférence tout ce qu’il y a de notables et de gens aisés ? Les armes ne sont-elles exclusivement faites que pour ceux qui naguère en étaient privés et qui en abusent ? Pourquoi serait-on égal pour payer, et distingué pour être vexé et insulté ? » — Il a dit le mot juste. Ce qui règne désormais, c’est une aristocratie à rebours, contraire à la loi, encore plus contraire à la nature. Car, dans l’échelle graduée de la civilisation et de la culture, à présent, par un renversement brusque, les échelons inférieurs se trouvent en haut, et les échelons supérieurs se trouvent en bas. Supprimée par la Constitution, l’inégalité s’est rétablie au sens contraire. Plus arbitrairement, plus brutalement, plus injustement que les vieux barons féodaux, la populace des campagnes et des villes taxe, emprisonne, pille ou tue, et pour serfs ou vilains elle a ses anciens chefs.

V

Supposons que, pour ne pas donner prise aux soupçons, ils se résignent à ne plus avoir d’armes, à ne point faire de groupes, à ne point paraître aux élections, à s’enfermer au logis à se confiner étroitement dans le cercle inoffensif de la vie privée. La même défiance et la même animosité les y poursuivent. — À Cahors[1], où la municipalité vient, malgré la loi, d’expulser les Chartreux qui, avec la permission de la loi, optaient

  1. Mercure de France, 4 juin 1790. (lettre de Cahors, du 17 mai ; arrêté de la municipalité du 10 mai 1790).