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LA CONSTITUTION APPLIQUÉE


refusé de les élargir en plein jour et de leur faire escorte. La veille même, « des groupes nombreux de femmes, entremêlés de quelques hommes, parlent de massacrer tous ces gens-là, au moment où ils mettront le pied hors du château ». On est obligé de les faire sortir à deux heures du matin, en secret, sous une forte garde, et tout de suite ils quittent la ville, comme, six mois auparavant, ils ont quitté la campagne. — Ni à la campagne, ni à la ville[1], ils ne sont couverts par la loi civile ou religieuse, et un gentilhomme, qui n’est pas compromis dans l’affaire, remarque que leur situation est pire que celle des protestants et des vagabonds aux pires années de l’ancien régime : « N’est-ce pas la loi qui a laissé aux prêtres (insermentés) la liberté de dire la messe ? Pourquoi donc, sans péril de sa vie, n’ose-t-on entendre leur messe ? — N’est-ce pas la loi qui commande à tous les citoyens de protéger la tranquillité publique ? Pourquoi donc ceux que le cri Aux armes ! a fait sortir armés pour protéger l’ordre sont-ils assaillis en qualité d’aristocrates ? — Pourquoi, sans ordres, ni dénonciation, ni apparence de délit, viole-t-on l’asile des citoyens que les décrets

  1. Archives nationales, F7, 3200. Lettre du procureur-syndic de Bayeux, 14 mai 1792, et du directoire de Bayeux, 21 mai 1792. — À Bayeux aussi, les réfugiés sont dénoncés et en péril. D’après leurs déclarations vérifiées, ils sont à peine cent. « À la vérité, il se trouve parmi eux plusieurs prêtres insermentés. (Mais) le reste est formé, pour la plupart, de chefs de famille connus pour habiter ordinairement les districts voisins, et qui ont été forcés de quitter leurs foyers, après avoir été ou craignant de devenir les victimes de l’intolérance religieuse ou des menaces des factieux et des brigands. »