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LA RÉVOLUTION


ment, et ces visites « sont toujours accompagnées de vols, d’outrages et de mauvais traitements, auxquels on n’échappe que par une soumission absolue ». De plus, ils demandent l’abolition « de toute espèce d’impôts et le partage des terres ». — Impossible « aux propriétaires un peu riches » de rester à la campagne ; de tous côtés, ils se réfugient à Périgueux, et là, formés en corps de troupe, avec la gendarmerie et la garde nationale de la ville, ils parcourent les cantons pour rétablir l’ordre. Mais il n’y a nul moyen de persuader aux paysans que c’est l’ordre qu’on rétablit. Avec cette opiniâtreté d’imagination que nul obstacle n’arrête et qui, comme une source vive, finit toujours par trouver une issue, le peuple déclare que « les gendarmes et les gardes nationales » qui sont venus le contraindre « étaient des prêtres et des gentilshommes déguisés ». — D’ailleurs les théories nouvelles sont descendues jusque dans les bas-fonds, et rien de plus facile que d’en tirer l’abolition des dettes ou même la loi agraire. À Ribérac, où les paroisses voisines ont fait invasion, l’orateur des séditieux, un tailleur de village, tirant de sa poche le catéchisme de la Constitution, argumente avec le procureur-syndic et lui prouve que les insurgés ne font qu’exercer les droits de l’homme. En premier lieu, il est dit dans le livre que « les Français sont égaux et frères, qu’ils doivent se secourir » les uns les autres ; « donc, les maîtres doivent partager, surtout cette année qui est disetteuse. En second lieu, il est écrit que tous les biens appartiennent à la nation », et c’est pour