Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 4, 1910.djvu/175

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
163
LA CONSTITUTION APPLIQUÉE


de sûreté, dans les châteaux de Saint-Tual, Besso, Beaumanoir, la Rivière, la Bellière, Châteauneuf, Chenay, Chausavoir, Tourdelin et Chalonge, ils brûlent les titres ; par surcroît, ils mettaient le feu à Châteauneuf, quand la troupe arriva. — Aux débuts, une vague idée d’ordre social et légal semble encore flotter dans leurs cerveaux : à Saint-Tual, avant de prendre 2000 livres à l’homme d’affaires, ils obligent le maire à leur en donner la permission écrite ; à Yvignac, leur chef, requis de présenter ses pouvoirs, déclare « qu’il est autorisé par la volonté générale de la populace de la nation[1] ». — Mais, au bout d’un mois, battus par la troupe, furieux des coups qu’ils ont donnés et qu’ils ont reçus, excités par la faiblesse des municipalités qui relâchent les prisonniers, ils deviennent des bandits de la pire espèce. Dans la nuit du 22 au 23 février, le château de Villefranche, à trois lieues de Malestroit, est attaqué ; trente-deux coquins, le visage masqué, conduits par un chef en uniforme national, enfoncent la porte. Les domestiques sont garrottés ; le propriétaire, M. de la Bourdonnaye, un vieillard, sa femme, âgée de soixante ans, sont meurtris de coups, liés sur leur lit ; puis on approche leurs pieds du feu, et on les chauffe. Cependant, argenterie, linge, étoffes, bijoux, deux mille francs en argent, jusqu’aux montres, boucles et bagues, tout est pillé, chargé sur les onze chevaux des écuries, emporté. — Quand il s’agit de la propriété, un genre d’attentat entraîne tous

  1. Expressions du procès-verbal.