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LA RÉVOLUTION


tion ; on mange, on boit, « le peuple ne désenivre pas ». — En cet état, comme il a des armes, il frappe, et, quand on lui résiste, il incendie. Dans l’Agénois, un château au marquis de Lameth, un autre à M. d’Aiguillon dans le haut Languedoc celui de M. de Bournazel, dans le Périgord celui de M. de Bar, sont brûlés ; M. de Bar est assommé de coups ; six autres sont tués dans le Quercy. Nombre de châteaux aux environs de Montauban et dans le Limousin sont assiégés à coups de fusil ; plusieurs sont pillés. — Des bandes de douze cents hommes sont en campagne : « on en veut à toutes les propriétés » ; on répare les torts : « on juge à nouveau des procès jugés depuis trente ans, et l’on rend des sentences qu’on exécute ». — Si quelqu’un manque au nouveau code, il est puni, et au profit des nouveaux souverains : dans l’Agénois, un gentilhomme ayant payé la rente que comportait son fief, le peuple lui prend sa quittance, le met à l’amende d’une somme égale à celle qu’il a versée, et vient sous ses fenêtres manger cet argent, en triomphe et avec dérision.

Contre ces fourmilières soulevées d’usurpateurs brutaux, plusieurs gardes nationales encore énergiques, beaucoup de municipalités encore amies de l’ordre, nombre de gentilshommes encore résidants usent de leurs armes. Quelques brigands, arrêtés en flagrant délit, sont jugés prévôtalement, et, sur-le-champ, exécutés pour l’exemple. Pour tous les gens du pays, le péril social est manifeste et pressant : si de tels attentats restaient impunis, il n’y aurait plus de propriétés ni de lois en