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LA CONSTITUTION APPLIQUÉE


— De plus, et toujours selon l’usage, les bandits, les gens sans aveu sont en tête avec les furieux, et conduisent l’opération à leur manière. Dès qu’une bande s’est formée, elle arrête sur les chemins, dans les champs, dans les chaumières isolées, les campagnards tranquilles qu’elle aura soin de mettre en avant, si l’on en vient aux coups. — À la contrainte elle ajoute la terreur. Des potences sont dressées pour quiconque payera les droits casuels ou les redevances annuelles, et des paroisses du Quercy menacent leurs voisins du Périgord de les mettre à feu et à sang sous huitaine, s’ils ne font pas en Périgord ce qu’elles font en Quercy. — Le tocsin sonne, le tambour bat, et, de commune en commune, « la cérémonie » s’accomplit. On prend de force au curé les clefs de l’église, on en brûle les bancs et parfois les boiseries marquées aux armes du seigneur. On va chez le seigneur, on arrache ses girouettes et on l’oblige à fournir son plus bel arbre avec plumes et rubans pour l’orner, sans oublier les trois mesures avec lesquelles il prélève ses redevances en grains ou farine. On plante ce mai sur la place du village, on attache au sommet les girouettes, les rubans, les plumes, les trois mesures et cette inscription : « Par ordre du roi et de l’Assemblée nationale, quittance finale des rentes. » Cela fait, il est visible que le seigneur, n’ayant plus ni girouettes, ni banc à l’église, ni mesures à prélèvement, n’est plus seigneur et ne pourra plus rien prélever. Partant, acclamations, kermesse et orgie sur la place. Seigneur, curé, riches, quiconque peut payer est mis à contribu-