Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 4, 1910.djvu/16

Cette page a été validée par deux contributeurs.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
6
LA RÉVOLUTION


conducteur de train ne souffre pas volontiers qu’on ôte le charbon à sa machine, ni qu’on casse les rails sur lesquels il va rouler. — Avec toutes ses insuffisances et tous ses inconvénients, ce procédé est encore le meilleur qu’ait trouvé l’expérience humaine pour préserver les sociétés du despotisme et de l’anarchie. Au pouvoir absolu qui les fonde ou les sauve, mais qui les opprime ou les épuise, on a substitué peu à peu des pouvoirs distincts reliés entre eux par un tiers arbitre, par une dépendance réciproque et par un organe commun.

Mais, aux yeux des constituants, l’expérience n’a pas de poids, et, au nom des principes, ils tranchent successivement tous les liens qui pourraient forcer les deux pouvoirs à marcher d’accord. — Point de Chambre haute, elle serait un asile ou une pépinière d’aristocratie. D’ailleurs, « la volonté nationale étant une », il répugne « de lui donner des organes différents ». C’est ainsi qu’ils procèdent avec des définitions et des distinctions d’idéologie, appliquant des formules et des métaphores toutes faites. — Nulle prise au roi sur le corps législatif : l’exécutif est un bras qui ne doit qu’obéir, et il serait ridicule que le bras pût en quelque façon contraindre ou conduire la tête. À peine si l’on concède au monarque un veto suspensif ; encore Siéyès proteste, déclarant que « c’est là une lettre de cachet lancée contre la volonté générale », et l’on soustrait à ce veto les articles de la Constitution, les lois de finance et d’autres lois encore. — Ce n’est pas le monarque qui convoque l’Assemblée ni les électeurs de l’Assemblée ; il n’a rien à dire ni à