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LA RÉVOLUTION


vient à la boutique faire ses petites provisions ; celui-ci gronde, mais contre la cherté, parce qu’il la sent, et peut-être contre le débitant qui empoche sa pièce blanche ; il ne s’en prend point à l’employé du fisc qu’il ne voit pas et qui n’est plus là. — Au contraire, dans la perception de l’impôt direct, c’est l’employé visible et présent qui lui enlève cette précieuse pièce blanche. De plus ce voleur autorisé ne lui donne rien en échange : sa perte est sèche ; quand il sortait de la boutique, c’était avec une cruche de vin, un pot de sel, ou autres denrées semblables ; quand il sort du bureau, il n’a dans la main qu’une quittance, un mauvais morceau de papier griffonné. — Or, à présent, il est maître dans sa commune, électeur, garde national, maire, seul autorisé à employer la force armée et chargé de se taxer lui-même. Venez donc lui demander de déterrer le magot enfoui où il a mis tout son cœur et toute son âme, le pot de terre où ses pièces blanches sont venues s’entasser une à une et qu’il a sauvé pendant tant d’années, au prix de tant de misères et de jeûnes, à la barbe du garnisaire, à travers les persécutions du subdélégué, de l’élu, du collecteur et du commis !

Du 1er  mai 1789 au 1er  mai 1790[1], les recettes générales, taille, accessoires de la taille, capitation, vingtièmes, au lieu de 161 millions, n’en rapportent que 28 ; dans les

  1. Compte des revenus et dépenses au 1er  mai 1789. — Mémoire de M. Necker, 21 juillet 1790. — Mémoires présentés par M. de Montesquiou, 9 septembre 1791. — Comptes rendus, par le ministre Clavière, 5 octobre 1792. 1er  février 1795. — Rapport de Cambon, février 1793.