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LA CONSTITUTION APPLIQUÉE


et il est toujours pour les contrebandiers contre les commis. — Au mois de janvier 1790, à Béziers, trente-deux employés, qui avaient saisi sur des contrebandiers armés une charge de faux-sel[1], sont poursuivis par la foule jusque dans l’hôtel de ville ; les consuls refusent de les défendre et se sauvent ; la troupe les défend, mais en vain. Cinq sont suppliciés, horriblement mutilés, puis pendus. — Au mois de mars 1790, Necker déclare que, d’après les relevés du dernier trimestre, le déficit dans le recouvrement de la gabelle monte à plus de quatre millions par mois, c’est-à-dire aux quatre cinquièmes de la recette ordinaire, et le monopole du tabac n’est pas mieux respecté que celui du sel. — À Tours[2], la milice bourgeoise refuse de donner main-forte aux employés, « protège ouvertement la contrebande », « et le tabac de contrebande se vend publiquement à la foire, sous les yeux de la municipalité qui n’ose s’y opposer ». — Par suite[3], toutes les recettes indirectes

  1. Mercure de France, 27 février 1790 (mémoire du garde des sceaux, 16 janvier). — Observations de M. Necker sur le rapport fait par le Comité des finances, dans la séance du 12 mars 1790.
  2. Archives nationales, H, 1453. Correspondance de M. de Bercheny, 24 avril, 4 et 6 mai 1790. « Il est bien à craindre que l’impôt du tabac n’ait le même sort que celui du sel. »
  3. Mercure de France, 31 juillet 1790 (séance du 10 juillet). M. Lambert, contrôleur général des finances, informe l’Assemblée « des obstacles que des insurrections continuelles, des brigandages, des maximes de liberté anarchique, imposent, d’un bout de la France à l’autre, à la perception des taxes. D’un côté, on persuade au peuple qu’en refusant avec fermeté un impôt contraire à ses droits il en obtiendra l’abolition. Ailleurs, la contrebande se fait à force ouverte ; le peuple la protège, et les gardes nationales refusent de marcher contre la nation. En d’autres lieux, on excite des haines, des divisions entre les