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LA CONSTITUTION APPLIQUÉE


À Noyon, Ham, Chauny et dans les paroisses circonvoisines, les bouchers, cabaretiers et aubergistes coalisés qui ont refusé les aides distinguent dans le décret spécial par lequel l’Assemblée les assujettit à la loi, et il faut un second décret spécial pour réduire ces nouveaux légistes. À Lyon, le procédé est plus simple : les trente-deux sections ont nommé des commissaires ; ceux-ci se prononcent contre l’octroi et invitent la municipalité à l’abolir. Il faut bien qu’elle y consente, car le peuple est là et furieux. Du reste, en attendant l’autorisation, il l’a prise, il s’est porté aux barrières, il a chassé les commis, et de grandes provisions de denrées, qui, « par une prédestination singulière », attendaient aux portes, entrent en franchise. — Contre cette mauvaise volonté universelle du contribuable, contre ces irruptions ou ces infiltrations de la fraude, le Trésor se défend comme il peut, répare sa digue emportée, bouche ses fissures, et la perception recommence. Mais comment serait-elle régulière et complète dans un État où les tribunaux n’osent juger les délinquants, ou les pouvoirs publics n’osent soutenir les tribunaux[1], où la faveur populaire protège, contre les tribunaux et contre les

    rection de Lyon des 9 et 10 juillet 1790. — Duvergier, Collection des décrets. Décrets des 4 et 15 août 1790.

  1. Archives nationales, F7, 3255. Lettre du ministre, 2 juillet 1790, au directoire de Rhône-et-Loire. « Le roi est informé que, dans l’étendue de votre département, et notamment dans les districts de Saint-Étienne et de Montbrison, la licence est portée au comble, que les juges n’osent poursuivre, qu’en plusieurs endroits les officiers municipaux sont à la tête du désordre que dans les autres, les gardes nationales n’obéissent pas