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LA CONSTITUTION APPLIQUÉE


poinçons ayant été déclarés, on les défonce à coups de pierres, on en boit une partie, on porte le reste à la caserne pour débaucher les soldats ; on menace le commandant de Royal-Roussillon, M. de Sauzay, qui a eu l’audace de sauver des commis, et, pour ce méfait, il manque d’être pendu lui-même. Requise de s’interposer et d’employer la force, la municipalité répond « que, pour si peu de chose, ce n’est pas la peine de compromettre la vie des citoyens », et la troupe de ligne, mandée à l’hôtel de ville, est obligée par les ordres du peuple de n’y aller que la crosse en l’air. Cinq jours après, les vitres du bureau des aides sont défoncées, l’écriteau arraché ; la fermentation ne cesse pas, et M. de Sauzay écrit que pour contenir la ville il faudrait un régiment. — À Saint-Amand, l’émeute éclate tout à fait, et n’est comprimée que par la violence. À Saint-Étienne-en-Forez, Berthéas, commis aux aides, et d’ailleurs accusé faussement d’accaparer les grains[1], est défendu inutilement par la garde nationale. Selon la coutume, pour lui sauver la vie on l’a mené en prison, et, pour plus de sûreté, la foule a exigé qu’on l’y attachât avec un collier de fer. Mais tout d’un coup, se ravisant, elle enfonce la porte, le traîne dehors et l’assomme. Étendu à terre, il remuait encore la tête et y portait la main, lorsqu’une femme, ramassant une grosse pierre, lui brisa le crâne. — Ce ne sont point là des faits isolés.

  1. Archives nationales, F7, 3203. Lettre du directoire du Cher, 9 avril 1790. — Ib., F7, 3255. Lettre du 4 août 1790. Jugement du présidial, 4 novembre 1790. — Lettre de la municipalité de Saint-Étienne, 5 août 1790.