Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 4, 1910.djvu/142

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
130
LA RÉVOLUTION


la frontière, ont été mis en prison « pour leur sûreté » ; un quart d’heure après, ils en sont tirés, et, malgré trente-deux cavaliers de la maréchaussée, on les massacre. « Leur voiture brûlait encore lorsque je passai, et les cadavres étaient étendus non loin de là. Leur conducteur était encore détenu, et ce fut en vain que je sollicitai son élargissement. » D’autre part, à Lyon, pendant trois jours, l’autorité vient de tomber aux mains des filles de la rue. « Elles se sont emparées du club central ; elles se sont érigées en commissaires de police ; elles ont signé des affiches en cette qualité ; elles ont fait des visites dans les magasins » ; elles ont rédigé un tarif de tous les vivres, depuis le pain et la viande « jusqu’aux pêches fines et aux pêches communes. Elles ont annoncé que quiconque oserait s’y opposer serait regardé comme traître à la patrie, adhèrent à la liste civile et poursuivi comme tel » : tout cela publié, proclamé, appliqué par « des commissaires de police femelles », elles-mêmes la plus basse fange des derniers bas-fonds. Les bonnes ménagères et les travailleuses n’en étaient pas, ni « les ouvriers d’aucune classe ». Dans cette parodie d’administration, les seuls acteurs étaient « des coquines, des souteneurs en petit nombre et quelques femmes de la lie ». — À cela aboutit la dictature de l’instinct lâché, là-bas, sur la grande route, à un massacre de prêtres, ici, dans la seconde ville de France, au gouvernement des catins.