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LA RÉVOLUTION


ment les uns les autres. Il y en a des villes contre les campagnes et des campagnes contre les villes. D’une part, « tout laboureur qui porte au marché passe (chez lui) pour aristocrate[1], et devient en horreur à ses concitoyens » du village. D’autre part, la garde nationale des villes se répand dans les campagnes et y fait des razzias pour ne pas mourir de faim[2]. Il est admis dans les campagnes que chaque municipalité a le droit de s’isoler. Il est admis dans les villes que chaque ville a le droit de se faire approvisionner par les campagnes. Il est admis par les indigents de chaque commune que la commune doit leur fournir le pain gratuitement ou à bon marché. Là-dessus, les pierres pleuvent et les coups de fusil partent : département contre département, district contre district, canton contre canton, on se dispute l’aliment, et les plus forts le prennent ou le gardent. — Et je n’ai décrit que le Nord, où depuis trois ans la récolte est bonne ! Et j’ai omis le Midi, où la circulation est interrompue dans le canal des Deux-Mers, où le procureur-syndic de l’Aude vient d’être

  1. Archives nationales, F7, 3255. Lettre des administrateurs du département de Seine-Inférieure, 25 octobre 1792. — Lettres du comité spécial de Rouen, 22 et 25 octobre 1792. « Il semble que, plus on stimule le zèle et le patriotisme des cultivateurs, plus ils s’opiniâtrent à fuir les halles, qui sont toujours dans un dénûment absolu. »
  2. Archives nationales, F7, 3265. Lettre de David, cultivateur, 10 octobre 1792. — Lettre des administrateurs du département, 13 octobre 1792, etc. — Lettre (imprimée) du ministre à la Convention, 4 novembre. — Proclamation du Conseil exécutif provisoire, 31 octobre 1792. (Le setier de grain de deux cent quarante livres poids se vend 60 francs dans le Midi, et moitié moins dans le Nord.)