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LA RÉVOLUTION


ou noyés, ou coupés en morceaux et leurs têtes plantées sur les cinq piques du milieu dans la grille de l’abbaye. Contre la force militaire dont on les menace, ils ont fait leurs dispositions. Neuf cents hommes qui se relayent veillent jour et nuit au centre de ralliement, dans un camp bien choisi, permanent, et des guetteurs, postés dans les clochers de tous les villages circonvoisins, n’ont qu’à faire un signal pour y amener en quelques heures vingt-cinq mille hommes. — Tant que le gouvernement reste debout, il combat de son mieux ; mais, de mois en mois, il s’affaisse, et, après le 10 août, quand il est à terre, c’est l’attroupement, souverain universel et incontesté, qui prend sa place. À partir de ce moment, non seulement la loi qui protège les subsistances est sans force contre les perturbateurs de la circulation et de la vente, mais, en fait, l’Assemblée autorise les révoltés, puisque, par décret[1], elle éteint les procès commencés contre eux, abolit les sentences rendues, élargit tous ceux qui sont en prison ou aux fers. — Voilà les administrations, les marchands, les propriétaires, les fermiers, abandonnés aux affamés, aux furieux aux brigands : désormais les subsistances sont à qui veut et peut les prendre. « On vous dira, dit une pétition[2], que nous violons la loi. Nous répondrons à ces insinuations perfides que le salut du peuple est la suprême loi. Nous venons pour faire approvisionner

  1. Décret du 3 septembre 1792.
  2. Archives nationales, F7, 3268 et 3269. Pétition des citoyens de Montfort-l’Amaury, Saint-Léger, Gros-Rouvre, Gelin, Laqueue, Méré, aux citoyens municipaux de Rambouillet.