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LA CONSTITUTION APPLIQUÉE


marchand grainetier, que l’on accuse d’avoir mélangé avec de la farine de blé de la farine de fèves (deux fois plus chère), est massacré dans sa maison. À Étampes, le maire qui proclame la loi est tué à coups de trique. Les attroupements ne parlent « que d’incendier et de détruire », et les laboureurs, violentés, taxés, honnis, menacés de mort et volés, se sauvent en disant qu’ils ne reviendront plus au marché.

Tel est le premier effet de la dictature populaire ; comme toutes les forces dépourvues d’intelligence, elle opère à l’inverse de son objet : à la cherté elle ajoute la disette, et vide les marchés au lieu de les remplir. Il y avait parfois quinze ou seize cents sacs de blé sur celui d’Étampes ; dans la semaine qui suit cette insurrection, il n’en vient plus que soixante. À Montlhéry, où six mille hommes se sont attroupés, chacun d’eux, partage fait, n’obtient qu’un minot, et les boulangers de la ville n’ont pas de quoi cuire. — Là-dessus, les gardes nationaux en fureur disent aux fermiers qu’ils iront les visiter dans leurs fermes. En effet, ils y vont[1] ; le tambour roule sur les routes, autour de Montlhéry, de Limours et des autres grands marchés. On voit passer des colonnes de deux cents, trois cents, quatre cents hommes sous la conduite de leur commandant et de leur maire qu’ils conduisent. Ils entrent dans chaque ferme, montent dans les greniers, constatant la quan-

  1. Archives nationales, F7, 3268 et 3269, passim. Rapports de la gendarmerie, 24 février 1792 et jours suivants. — Lettre du brigadier de Limours, 2 mars ; du régisseur de la ferme de Plessis-le-Comte, 23 février.