Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 4, 1910.djvu/134

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
122
LA RÉVOLUTION


et, complaisamment, les autorités vont au devant de ses décrets. À Montlhéry, la municipalité, « pour éviter du sang », confine la gendarmerie aux portes de la ville, et c’est par son ordre que l’émeute a libre jeu. — Mais les administrateurs n’en sont pas quittes pour laisser faire le peuple ; il faut encore qu’ils sanctionnent ses exigences par leurs arrêtés. On va les prendre à l’hôtel de ville ; on les transporte sur la place du marché, et là, séance tenante, sous la dictée de la clameur qui fixe les prix, simples greffiers, ils proclament la taxe. Bien mieux, quand, dans un village, une troupe armée se met en route pour tyranniser le marché voisin, elle emmène son maire, bon gré mal gré, comme un instrument officiel qui lui appartient[1]. « Contre la force, point de résistance, écrit celui de Vert-le-Petit ; il nous a fallu partir à l’instant. » — « Ils m’ont déclaré, écrit celui de Fontenay, que, si je ne leur obéissais pas, ils allaient me pendre. » — Si quelque officier municipal hasarde une remontrance, on lui dit qu’il devient aristocrate ». Aristocrate et pendu, l’argument est irrésistible, d’autant plus qu’en fait on l’applique. — À Corbeil, le procureur-syndic qui réclame pour la loi est presque assommé, et trois maisons où on le cherche sont bouleversées. À Montlhéry, un

  1. Archives nationales, F7, 3268 et 3269, passim. — Procès-verbal de la municipalité de Montlhéry, 28 février 1792. « Nous ne pouvons vous faire un plus grand détail, sans nous exposer à des extrémités qui ne pourraient que nous être très-fâcheuses. » — Lettre du juge de paix du canton, 25 février. « La clameur publique m’apprend que, si j’envoie des mandats d’arrêt à ceux qui ont massacré Thibault, le peuple se soulèvera. »