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LA RÉVOLUTION


de résister ; la garde nationale convoquée ne vient pas ; les volontaires requis lèvent la crosse en l’air ; la foule attroupée sous les fenêtres crie vivat. Tant pis pour la loi quand elle s’oppose aux passions populaires ; « nous n’y obéirons pas, disent-ils, on fait des lois comme on veut ». — Effectivement, dans la Seine-Inférieure, à Tostes, six mille hommes des paroisses environnantes forment un corps délibérant et armé ; pour mieux établir leurs droits, ils ont amené sur des charrettes deux canons attachés avec des cordes. Alentour marchent vingt-deux gardes nationales, chacune sous son drapeau ; on a forcé les habitants paisibles à venir, « sous peine de vie » ; les officiers municipaux sont en tête. Ce parlement improvisé édicte sur les grains une loi complète qu’il envoie, pour la forme, à l’acceptation du département et de l’Assemblée nationale, et l’un des articles porte que défense sera faite aux laboureurs « de vendre leur blé ailleurs qu’aux marchés ». N’ayant plus d’autre débouché, il faudra bien que le blé vienne aux halles, et, quand les halles seront pleines, il faudra bien qu’il baisse de prix.

Déception profonde : même dans le grenier de la France le blé reste cher, et coûte environ un tiers de plus qu’il ne faudrait pour que le pain, conformément à la volonté du peuple, soit à deux sous la livre. — Là-dessus[1], à Gonesse, à Dourdan, à Corbeil, à Mennecy, à Brunoy, à Limours, à Brie-Comte-Robert, surtout à Étampes et Montlhéry, presque chaque semaine, à force

  1. Archives nationalesF7, 3268 et 3269, passim.