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LA RÉVOLUTION


se répandent dans les paroisses voisines, se font délivrer le blé à 40 sous, et leur mine est si résolue, que quatre brigades de gendarmerie, envoyées contre eux, ne trouvent rien de mieux à faire que de se retirer. — Non contents de se garnir les mains, ils se ménagent des réserves. Le blé est prisonnier : dans le Nivernais et le Bourbonnais, les paysans tracent une ligne de démarcation que nul sac du pays ne doit franchir ; en cas de contravention, la corde et la torche sont là pour le délinquant. — Reste à surveiller l’application du règlement : dans le Berri, les paysans viennent par bandes à chaque marché pour maintenir partout leur tarif. En vain ou leur représente qu’ils vont rendre les marchés déserts : « ils répondent qu’ils sauront bien faire venir du grain, qu’ils iront en prendre chez tous les particuliers, et même de l’argent, s’ils en ont besoin ». De fait, « un grand nombre de personnes ont leurs greniers et leurs caves pillés » ; on contraint les fermiers à porter leur récolte dans un grenier commun ; on rançonne les riches ; « on fait contribuer les seigneurs ; on oblige à faire des donations de domaines entiers ; on enlève les bestiaux ; on veut ôter la vie aux propriétaires » ; et, comme les villes défendent leurs magasins et leurs marchés, on les attaque à force ouverte[1]. Bourbon-Lancy, Bourbon-l’Archambault, Saint-

  1. Archives nationales, H, 1453. Même correspondance, 29 mai, 11 et 17 juin. 15 septembre 1790. — Ib., F7, 3257. Lettre des officiers municipaux de Marsigny, 3 mai : des officiers municipaux de Bourbon-Lancy, 5 juin. Extrait des lettres écrites à M. Amelot, 1er  juin.