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LA CONSTITUTION APPLIQUÉE


contre les marchands, des ouvriers et des journaliers contre les fermiers et les propriétaires, à Castelnaudary, à Niort, à Saint-Étienne, dans l’Aisne, dans le Pas-de-Calais, principalement sur la longue ligne qui va de Montbrison à Angers, c’est-à-dire dans presque toute l’étendue de l’immense bassin de la Loire, tel est le spectacle que présente l’année 1790. — Et pourtant la récolte n’a point été mauvaise. Mais le blé ne circule plus ; chaque petit centre s’est contracté pour accaparer l’aliment : de là le jeûne des autres et les convulsions de tout l’organisme, premier effet de l’indépendance plénière que la Constitution et les circonstances confèrent à chaque groupe local.

« On nous dit de nous assembler, de voter, de nommer des gens qui feront nos affaires : faisons les nous-mêmes. Assez de bavardages et de simagrées : le pain à deux sous, et allons chercher le blé où il y en a. » — Ainsi raisonnent les paysans, et, dans le Nivernais, le Bourbonnais, le Berry, la Touraine, les réunions électorales sont le boutefeu des insurrections[1]. À Saint-Sauge, « avant tout travail, l’assemblée primaire oblige les officiers municipaux, sous peine d’être décollés, à taxer le blé ; » à Saint-Géran, le pain, le blé et la viande ; à Châtillon-en-Bazois, toutes les denrées, et toujours à un tiers ou moitié au-dessous du cours, sans parler

  1. Archives nationales, H, 1453. Correspondance de M. de Bercheny, commandant des quatre provinces du Centre. Lettres du 25 mai, 11, 19, 27 juin 1790. — Archives nationales, D, XXIX, 4. Délibération des administrateurs du district de Bourbon-Lancy, 26 mai.