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LA CONSTITUTION APPLIQUÉE


pectes, on pille, on dévaste ; tout ce qui ne peut être enlevé est brisé. » À Nîmes seulement, cent vingt maisons sont saccagées ; mêmes ravages aux environs ; au bout de trois jours, le dégât monte à sept ou huit cent mille livres. Nombre de malheureux sont égorgés chez eux, ouvriers, marchands, vieillards, infirmes ; il y en a qui, « retenus dans leur lit depuis plusieurs années, sont traînés sur le seuil de leur porte pour y être fusillés ». D’autres sont pendus sur l’Esplanade, au Cours Neuf, d’autres hachés vivants à coups de faux et de sabres, les oreilles, le nez, les pieds, les poignets coupés. Selon l’usage, des légendes horribles provoquent des actions atroces. Un cabaretier, qui a refusé de distribuer les listes anticatholiques, passe pour avoir dans sa cave une mine toute prête de barils de poudre et de mèches soufrées ; on le dépèce à coups de hache et de sabre ; on décharge vingt fusils sur son cadavre ; on l’expose devant sa maison avec un pain long sur la poitrine, et on le perce encore de baïonnettes en lui disant : « Mange, b…, mange donc ! » — Plus de cent cinquante catholiques ont été assassinés ; beaucoup d’autres, tout sanglants, « sont entassés dans les prisons », et l’on continue les perquisitions contre les proscrits ; dès qu’on les aperçoit, on tire sur eux comme sur des loups. Aussi des milliers d’habitants demandent leurs passeports et quittent la ville. — Cependant, de leur côté, les campagnards catholiques des environs massacrent six protestants, un vieillard de quatre-vingt-deux ans, un jeune homme de quinze ans, un mari et sa femme dans leur