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LA RÉVOLUTION


En ce temps-là les sympathies étaient pour eux ; personne n’imaginait alors que l’Église régnante pût courir un risque. À son tour, elle est attaquée, et voilà les deux partis qui s’affrontent. — Les catholiques signent une pétition[1], racolent les maraîchers du faubourg, gardent la cocarde blanche, et, lorsqu’elle est interdite, la remplacent par un pouf rouge, autre signe de reconnaissance. À leur tête est Froment, homme énergique, qui a de grands projets ; mais, sur le sol miné où il marche, l’explosion ne saurait être conduite. Elle se fait d’elle-même, au hasard, par le simple choc de deux défiances égales, et, avant le jour final, elle a commencé et recommencé déjà vingt fois par des provocations mutuelles, dénonciations, insultes, libelles, rixes, coups de pierre et coups de fusil. — Le 15 juin 1790, il s’agit de savoir quel parti donnera des administrateurs au district et au département ; à propos des élections, le combat s’engage. Au poste de l’évêché où se tient l’assemblée électorale, les dragons protestants et patriotes sont venus « trois fois plus nombreux qu’à l’ordinaire, mousquetons et pistolets chargés, la giberne bien garnie », et ils font patrouille dans les alentours. De leur côté, les poufs rouges, royalistes et catholiques, se plaignent d’être menacés, « nargués ». Ils font avertir le suisse « de ne plus laisser entrer aucun dragon à pied ni à cheval,

  1. La pétition est signée par 3127 personnes, outre 1560 qui ont apposé leur croix, déclarant ne savoir écrire. — La contre-pétition du club est signée de 162 noms.