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L’ANARCHIE SPONTANÉE


solives secondaires s’abattent une à une, faute de l’appui qui les portait. Pareillement, l’autorité du roi étant brisée, tous les pouvoirs qu’il a délégués tombent à terre[1]. Intendants, parlements, commandants militaires, grands prévôts, officiers d’administration, de justice et de police, dans chaque province et dans chaque emploi, les gardiens de l’ordre et de la propriété, instruits par le meurtre de M. de Launey, par la prison de M. de Besenval, par la fuite du maréchal de Broglie, par l’assassinat de Foullon et de Bertier, savent ce qu’il en coûte de remplir leur office, et, de peur qu’ils n’en ignorent, les insurrections locales viennent sur place leur mettre la main au collet.

Le commandant de la Bourgogne est prisonnier à Dijon, avec une garde à sa porte et défense de parler à personne sans permission et témoins[2]. Celui de Caen est assiégé dans le vieux Palais et capitule. Celui de Bordeaux livre Château-Trompette avec les équipements et les fusils. Celui de Metz, qui se maintient, subit les insultes et les ordres de la populace. Celui de Bretagne erre « en vagabond » dans sa province, pendant qu’à Rennes ses gens, ses meubles et sa vaisselle sont gardés en otage ;

  1. Albert Babeau, I, 206 (Lettre du député Camuzat de Belombre. 22 août 1789). « Le pouvoir exécutif est absolument nul aujourd’hui. » — Gouverneur Morris, lettre du 31 juillet 1789. « Ce pays est actuellement aussi près de l’anarchie qu’une société peut en approcher sans se dissoudre. »
  2. Archives nationales, H, 1453. Lettres de M. Amelot, 24 juillet ; H, 784, de M. de Langeron, 16 et 18 octobre. — KK, 1105 Correspondance de M. de Thiard, commandant militaire de la Bretagne, 4 septembre, 7 et 30 octobre. — Floquet, VII, 527, 555. — Guadet, Histoire des Girondins (29 juillet 1789).