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LA RÉVOLUTION


pains à des femmes arrêtées au coin de la rue de Saintonge. — Il y a des bandits : au milieu de la nuit, des espions de M. du Châtelet, s’étant coulés le long d’un fossé, « voient un gros de brigands » assemblés au delà de la barrière du Trône ; leur chef, monte sur un tertre, les excite à recommencer, et, les jours suivants, sur les grands chemins, des vagabonds se disent entre eux : « Nous n’avons plus rien à faire à Paris, les précautions sont trop bien prises, allons à Lyon ». — Il y a enfin des patriotes : le soir de l’émeute, entre le pont au Change et le pont Marie, les va-nu-pieds en chemise et barbouillés de noir qui portent des civières ont conscience de leur cause ; ils demandent l’aumône à voix haute et tendent le chapeau en disant aux passants : Ayez pitié de ce pauvre Tiers-État ». — Affamés, bandits et patriotes, ils font un corps, et désormais la misère, le crime, l’esprit public s’assemblent pour fournir une insurrection toujours prête aux agitateurs qui voudront la lancer.

IV

Mais déjà les agitateurs sont en permanence. Le Palais-Royal est un club en plein air, où, toute la journée et jusque bien avant dans la nuit, ils s’exaltent les uns les autres et poussent la foule aux coups de main. Dans cette enceinte protégée par les privilèges de la maison d’Orléans, la police n’ose entrer, La parole est libre, et le public qui en use semble choisi exprès pour en abuser. — C’est le public qui convient à un pareil