gagne le tiers-état de la rue. Rien de plus naturel que l’envie de conduire ses conducteurs : au premier mécontentement, on met la main sur ceux qui regimbent, et on les fait marcher à l’œil et au doigt. — Le samedi 25 avril[1], le bruit se répand que Réveillon, électeur, fabricant de papiers peints rue Saint-Antoine, et le commissaire Lerat ont « mal parlé » dans l’assemblée électorale de Sainte-Marguerite. Parler mal, c’est mal parler du peuple. Qu’a dit Réveillon ? On l’ignore, mais l’imagination populaire, avec sa terrible puissance d’invention et de précision, fabrique ou accueille sur-le-champ une phrase meurtrière : il a dit « qu’un ouvrier, ayant femme et enfants, pouvait vivre avec quinze sous par jour ». C’est un traître, il faut lui courir sus, « mettre tout à feu et à sang chez lui ». — Notez que le bruit est faux[2], que Réveillon donne vingt-cinq sous par jour à ses moindres ouvriers, qu’il en fait vivre trois cent cinquante, que l’hiver précédent, malgré le chômage, il les a gardés tous et au même prix, qu’il est lui-même un ancien ouvrier, médaillé pour ses inventions, bienfaisant, respecté de tous les gens respectables. — Il n’importe ; les bandes de vagabonds et « d’étrangers » qui viennent d’entrer par les barrières
- ↑ Archives nationales, Y, 11 441. Interrogatoire de l’abbé Roy, 5 mai. — Y, 11 033. Interrogatoire (28 avril et 4 mai) des vingt-trois blessés portés à l’Hôtel-Dieu. — Ces deux pièces sont capitales pour donner le vrai caractère de l’émeute ; il faut y ajouter le récit de M. de Besenval, qui commandait alors avec M. du Châtelet. Presque tous les autres récits sont amplifiés ou faussés par l’esprit de parti.
- ↑ Ferrières, t. III, note A (Exposé justificatif, par Réveillon).