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LA RÉVOLUTION


toutes les machines. — Ce sont là désormais les nouveaux chefs : car, en tout attroupement, c’est le plus audacieux, le moins embarrassé de scrupules qui marche en tête et donne l’exemple du dégât. L’exemple est contagieux : on était parti pour avoir du pain, on finit par des meurtres et des incendies et la sauvagerie qui se déchaîne ajoute ses violences illimitées à la révolte limitée du besoin.

V

Telle que la voilà, malgré la disette et les brigands, on en viendrait peut-être à bout ; mais ce qui la rend irrésistible, c’est qu’elle se croit autorisée, autorisée par ceux-là mêmes qui ont charge de la réprimer. Çà et là éclatent des paroles et des actions d’une naïveté terrible, et qui, par delà le présent si sombre, dévoilent un avenir plus menaçant. — Dès le 9 janvier 1789, dans la populace qui envahit l’hôtel de ville à Nantes et assiège les boutiques de boulangers[1], « le cri de Vive la Liberté se mêle au cri de Vive le Roi ». Quelques mois après, autour de Ploërmel, les paysans refusent de payer les dîmes, alléguant que le cahier de leur sénéchaussée en réclame l’abolition. — En Alsace, à partir du mois de mars, « en bien des endroits », même refus ; quantité de commu-

  1. Archives nationales, H, 1453. Lettre des officiers municipaux de Nantes, 9 janvier ; du subdélégué de Ploërmel, 4 juillet. — Ib., F7, 2353. Lettre de la Commission intermédiaire d’Alsace, 8 septembre. — Ib., F7, 3227. Lettre de l’intendant Caze de la Bove, 16 juin. — Ib., H. 1453. Lettre de Terray, intendant de Lyon, 4 juillet ; du prévôt des échevins, 5 et 7 juillet.