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LA RÉVOLUTION


il n’y en a qu’un sur quatre qui consente à jurer. Dans le département de la Lozère, il n’y en a que « dix sur deux cent cinquante ». — « Il est avéré, écrit le mieux instruit de tous les observateurs, que partout en France les deux tiers des ecclésiastiques ont repoussé le serment, ou ne l’ont prêté qu’avec les restrictions de M. L’évêque de Clermont. » — Ainsi, sur soixante-dix mille prêtres, quarante-six mille sont destitués, et la majorité de leurs paroissiens est pour eux. On s’en aperçoit à l’absence des électeurs convoqués pour les remplacer : à Bordeaux, sur 900, il n’en vient que 450 ; ailleurs, la convocation n’en rassemble que « le tiers ou le quart ». — En nombre d’endroits, il ne se présente point de candidats, ou les élus ne veulent point accepter. On est obligé, pour remplir les places, d’aller chercher des moines défroqués et d’un aloi douteux. — Dès lors, dans chaque paroisse, il y a deux partis, deux croyances, deux cultes et la discorde en permanence. Même quand l’ancien et le nouveau curés sont tolérants, leur situation les met en conflit. Pour le premier, le second est « l’intrus ». En qualité de gardien des âmes, le premier ne peut se dispenser de dire à ses paroissiens que l’intrus est excommunié, que ses sacrements sont nuls ou sacrilèges, qu’on ne peut sans péché entendre sa messe. En qualité de fonctionnaire, le second ne peut manquer d’écrire aux autorités que le réfractaire accapare les fidèles, fanatise les consciences, sape la Constitution, et doit être réprimé par la force. En d’autres termes, le premier fait le vide autour du se-