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LA RÉVOLUTION


— Dans un diocèse aujourd’hui, l’évêque nomme tous les curés ou desservants et peut en révoquer neuf sur dix ; dans ce même diocèse, de 1850 à 1860, c’est à peine si un fonctionnaire laïque a été nommé sans l’agrément ou l’entremise du cardinal-archevêque[1]. — Pour comprendre l’esprit, la discipline et l’influence de notre clergé contemporain, remontez à la source, et vous la trouverez dans le décret de l’Assemblée constituante. Ce n’est pas impunément qu’on dissout un corps naturel ; il se reforme en s’adaptant aux circonstances, et serre ses rangs à proportion de son danger.

Mais, selon les maximes de l’Assemblée, si, devant l’État laïque, les croyances et les cultes sont libres, devant l’État souverain les Églises sont sujettes. Car elles sont des sociétés, des administrations, des hiérarchies, et nulle société, administration ou hiérarchie ne doit subsister dans l’État, à moins d’entrer dans ses cadres à titre de subordonnée, de déléguée et d’employée. Par essence, un prêtre est un salarié comme les autres, un fonctionnaire[2] préposé aux choses du culte et de la morale. Quand l’État veut changer le nombre, le mode de nomination, les attributions, les circonscriptions de ses ingénieurs, il n’est pas tenu de demander permission à ses ingénieurs assemblés, ni surtout à un ingénieur étranger établi à Rome. Quand il veut changer

  1. Ceci est à ma connaissance personnelle ; de 1863 à 1867, j’ai visité quatre fois Besançon.
  2. Moniteur, séance du 30 mai 1790 et suivantes. (Rapport de Treilhard, discours de Robespierre, etc.)