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L’ASSEMBLÉE CONSTITUANTE ET SON ŒUVRE


quel effet. Non seulement vous faites de l’État un gendarme au service d’une hérésie, mais encore, par cet essai infructueux et tyrannique de jansénisme gallican, vous discréditez à jamais les maximes gallicanes et les doctrines jansénistes. Vous tranchez les deux dernières racines par lesquelles l’esprit libéral végétait encore dans le catholicisme orthodoxe. Vous rejetez tout le clergé vers Rome ; vous le rattachez au pape dont vous vouliez le séparer ; vous lui ôtez le caractère national que vous vouliez lui imposer. Il était français et vous le rendez ultramontain. Il excitait la malveillance et l’envie, vous le rendez sympathique et populaire. Il était divisé, vous le rendez unanime. Il était une milice incohérente, éparse sous plusieurs autorités indépendantes, enracinée au sol par la possession de la terre ; grâce à vous, il va devenir une armée régulière et disponible, affranchie de toute attache locale, organisée sous un seul chef, et toujours prête à se mettre en campagne au premier mot d’ordre. Comparez l’autorité d’un évêque dans son diocèse en 1789, et soixante ans plus tard. — En 1789, sur 1500 emplois et bénéfices, l’archevêque de Besançon nommait à moins de 100 ; pour 93 cures, le chapitre métropolitain choisissait ; pour 18, c’était le chapitre de la Madeleine ; dans 70 paroisses, c’était le seigneur fondateur ou bienfaiteur ; tel abbé avait à sa disposition 13 cures, tel 34, tel 35, tel prieur 9, telle abbesse 20 ; cinq communes nommaient directement leur pasteur ; abbayes, prieurés, canonicats étaient aux mains du roi[1].

  1. Sauzay, I, 108.