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L’ASSEMBLÉE CONSTITUANTE ET SON ŒUVRE


reconnaître l’un à l’autre des droits définis sur la zone intermédiaire, et y exercer ensemble leur juridiction partagée ; c’est le cas de la France. Mais, dans les deux cas, les deux pouvoirs, comme les deux sociétés, doivent rester distincts. Il faut que, pour chacun d’eux, l’autre soit un égal avec lequel il traite, et non un subordonné dont il règle la condition. Quel que soit le régime civil, monarchique ou républicain, oligarchique ou démocratique, l’Église abuse de son crédit quand elle le condamne ou l’attaque. Quel que soit le régime ecclésiastique, papal, épiscopal, presbytérien ou congrégationaliste, l’État abuse de sa force lorsque, sans l’assentiment des fidèles, il l’abolit ou l’impose. — Non seulement il viole le droit, mais le plus souvent sa violence est vaine. Il a beau frapper, la racine de l’arbre est hors de ses atteintes, et, dans cet injuste combat qu’il engage contre une institution aussi vivace que lui-même, il finit souvent par être vaincu.

Par malheur, en ceci comme dans tout le reste, l’Assemblée, préoccupée des principes, a oublié de regarder les choses, et, en ne voulant ôter qu’une écorce morte, elle blesse le tronc vivant. — Depuis plusieurs siècles, et surtout depuis le concile de Trente, ce qu’il y a de vivant dans le catholicisme, c’est bien moins la religion que l’Église. La théologie y est descendue au second plan, la discipline y est montée au premier. Car, en droit, les fidèles sont tenus de croire à l’autorité spirituelle comme à un dogme, et, en fait, c’est à l’autorité spirituelle bien plus qu’au dogme que leur croyance est