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LA RÉVOLUTION


pain et sont obligés, pour vivre, de revendre, avec la permission du district, une partie des approvisionnements séquestrés de leur maison. Les Ursulines d’Ornans subsistent d’aumônes que des particuliers leur font pour conserver à la ville son seul établissement d’éducation. Les Bernardines de Pontarlier sont réduites à la dernière misère : « Nous sommes persuadés, écrit le district, qu’elles n’ont rien à mettre sous la dent ; il faut que nous-mêmes boursillions au jour le jour pour les empêcher de mourir de faim[1]. » — Trop heureuses, quand l’administration locale leur donne à manger ou tolère qu’on leur en donne ! En maint endroit, elle travaille à les affamer ou se plaît à les vexer. Au mois de mars 1791, malgré les instances du district, le département du Doubs réduit la pension des Visitandines à 101 livres pour les choristes et à 50 pour les converses. Deux mois auparavant, la municipalité de Besançon, interprétant à sa fantaisie le décret qui permet aux religieuses de s’habiller comme elles veulent, enjoint à toutes et même aux hospitalières de quitter leur ancien costume, que beaucoup d’entre elles n’ont pas le moyen de remplacer. — Impuissance, indifférence ou malveillance, voilà les dispositions qu’elles rencontrent dans les nouveaux pouvoirs chargés de les nourrir et de les défendre. Pour déchaîner la persécution, il suffit maintenant d’un décret qui mette en conflit l’autorité civile et la conscience religieuse. Le décret est rendu, et, le

  1. Sauzay, I, 252 (13 décembre 1790, 13 avril 1791).