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LA RÉVOLUTION


« patrie pour y répandre le peu d’aisance qui nous reste… (À présent), je supplie, l’Assemblée de lever le décret contre les émigrations ; autrement, on dira que c’est retenir les gens pour les mettre sous le fer des assassins… Dans le cas où elle nous refuserait cette justice, j’aimerais autant qu’il lui plût de rendre un décret de proscription contre nous ; car alors nous ne dormirions pas sous la garde de lois très sages sans doute, mais respectées nulle part. » — « Ce ne sont point nos privilèges, disent plusieurs autres, ce n’est point notre noblesse que nous regrettons ; mais comment supporter l’oppression à laquelle nous sommes abandonnés ? Plus de sûreté pour nous, pour nos biens, pour nos familles ; chaque jour, des scélérats, nos débiteurs, de petits fermiers qui volent nos revenus, nous menacent de la torche ou de la lanterne. Pas un jour de tranquillité, pas une nuit qui nous laisse la certitude de l’achever sans trouble. Nos personnes sont livrées aux outrages les plus atroces, nos maisons à l’inquisition d’une foule de tyrans armés ; impunément nos rentes foncières sont volées, nos propriétés attaquées ouvertement. Seuls à payer les impositions, on nous taxe avec iniquité ; en divers lieux, nos revenus entiers ne suffiraient pas à la cote qui nous écrase. Nous ne pouvons nous plaindre sans courir le risque d’être massacrés. Les administrations, les tribunaux, instruments de la multitude, nous sacrifient journellement à ses attentats. Le gouvernement lui-même semble craindre de se com-