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L’ASSEMBLÉE CONSTITUANTE ET SON ŒUVRE


cieuse, un certificat de qualité et de provenance, une étiquette authentique et personnelle qu’on ne peut lui arracher sans lui ôter, dans la grande exposition humaine, sa place, son rang, sa valeur. — Mais, quand il s’agit d’un principe populaire, l’Assemblée ne tient compte ni de l’utilité publique, ni des droits des particuliers. Puisque le régime féodal est aboli, il faut en détruire les derniers restes. On déclare[1] que « la noblesse héréditaire choque la raison et blesse la véritable liberté », que, là où elle subsiste, « il n’est point d’égalité politique ». Défense à tout citoyen français de prendre ou de garder les titres de prince, duc, comte, marquis, chevalier et autres semblables, de porter un autre nom que « son vrai nom de famille » ; de faire porter des livrées à ses gens, d’avoir des armoiries sur sa maison ou sur sa voiture. En cas de contravention, il sera puni d’une amende égale à six fois le montant de sa contribution mobilière, rayé du tableau civique, déclaré incapable d’occuper aucun emploi civil ou militaire. Même punition, si, dans un contrat ou une quittance, il signe à son ordinaire, si, par habitude et distraction, il joint son nom de terre à son nom de famille, si, par précaution de notoriété et pour rendre son identité certaine, il mentionne seulement que jadis il portait le premier nom. Tout notaire ou officier public qui, dans un acte, écrira ou laissera écrire le

  1. Moniteur, séance du 19 juin 1790. Discours de M. Charles de Lameth. — Duvergier, lois des 19-23 juin 1790, des 27 septembre-16 octobre 1791.