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L’ASSEMBLÉE CONSTITUANTE ET SON ŒUVRE


chique ou aristocratique, la constitution n’est qu’une machine, bonne si elle atteint ce but, mauvaise si elle ne l’atteint pas, et qui, pour l’atteindre, doit, comme toute machine, varier selon le terrain, les matériaux et les circonstances. La plus savante est illégitime là où elle dissout l’État. La plus grossière est légitime là où elle maintient l’État. Il n’y en a pas qui soit de droit antérieur, universel et absolu. Selon le peuple, l’époque et le degré de civilisation, selon la situation intérieure et extérieure, toutes les égalités ou inégalités civiles ou politiques peuvent tour à tour être ou cesser d’être utiles ou nuisibles, partant mériter que le législateur les détruise ou les conserve, et c’est d’après cette règle supérieure et salutaire, non d’après un contrat imaginaire et impossible, qu’il doit instituer, limiter, distribuer, au centre et aux extrémités, par l’hérédité ou par l’élection, par le nivellement ou par le privilège, les droits du citoyen et les pouvoirs publics.

III

Fallait-il au préalable faire place nette, et convenait-il d’abolir ou seulement de réformer les ordres et les corps ? — Deux ordres prééminents, le clergé et la noblesse, accrus de tous les roturiers anoblis, enrichis et acquéreurs de terres nobles, formaient une aristocratie privilégiée auprès du gouvernement dont elle avait toutes les faveurs, à condition de les demander avec assiduité et avec grâce, privilégiée dans ses domaines

  la révolution. i.
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