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LA RÉVOLUTION


— À ce premier article, nul ne peut déroger, ni la minorité, ni la majorité, ni l’assemblée nommée par la nation, ni la nation, même unanime. Elle n’a pas le droit de disposer arbitrairement de la chose commune, de la risquer à sa fantaisie, de la subordonner à l’application d’une théorie ou à l’intérêt d’une classe, cette classe fût-elle la plus nombreuse. Car la chose commune n’est pas à elle, mais à toute la communauté passée, présente et future. Chaque génération n’est que la gérante temporaire et la dépositaire responsable d’un patrimoine précieux et glorieux qu’elle a reçu de la précédente à charge de le transmettre à la suivante. Dans cette fondation à perpétuité où tous les Français, depuis le premier jour de la France, ont apporté leur offrande, l’intention des innombrables bienfaiteurs n’est pas douteuse : ils ont donné sous condition, à condition que la fondation resterait intacte, et que chaque usufruitier successif n’en serait que l’administrateur. Si l’un de ces usufruitiers, par présomption et légèreté, par précipitation ou partialité, compromet le dépôt qui lui a été commis, il fait tort à tous ses prédécesseurs dont il frustre les sacrifices, et à tous ses successeurs dont il fraude les espérances. — Ainsi donc, qu’avant de constituer il considère la communauté dans toute son étendue, non seulement dans le présent, mais encore dans l’avenir, aussi loin que le regard peut porter. L’intérêt public saisi par cette longue vue, tel est le but auquel il doit subordonner tout le reste, et il ne doit constituer qu’en conséquence. Oligarchique, monar-