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L’ASSEMBLÉE CONSTITUANTE ET SON ŒUVRE


économiste, ayant fait un discours contre les assignats, est entouré au sortir de la séance, hué, bousculé, poussé contre le bassin des Tuileries : on l’y jetait, quand la garde le délivra. Le 21 juin 1790, M. de Cazalès manque d’être déchiré et mis en pièces par le peuple[1] ». À vingt reprises, dans les rues, au café, les députés du côté droit sont menacés du geste ; on expose en public des figures qui les représentent la corde au cou. Plusieurs fois l’abbé Maury est sur le point d’être pendu ; une fois, il se sauve en présentant des pistolets ; une autre fois, le vicomte de Mirabeau est obligé de mettre l’épée à la main. M. de Clermont-Tonnerre, ayant voté contre la réunion du Comtat à la France, est assailli dans le Palais-Royal à coups de chaises et de bâtons, poursuivi jusque chez le suisse, puis jusque dans son hôtel : la foule hurlante en brise les portes et n’est repoussée qu’à grand peine. — Impossible aux membres du côté droit de s’assembler entre eux : ils sont « lapidés » dans l’église des Capucins, puis dans le Salon Français de la rue Royale ; pour comble, un arrêt des nouveaux juges ferme leur salle et les punit des violences qu’ils subissent[2]. Bref, ils sont à la discrétion de la foule, et l’homme le plus modéré, le plus

  1. Mercure de France, nos du 2 octobre 1790, du 15 janvier 1791, du 14 mai 1791. — Buchez et Roux, V, 343 (13 avril 1790) ; VII, 76 (2 septembre 1790) ; X, 225 (21 juin 1791). — Montlosier, I, 357. — Moniteur, IV, 427.
  2. Archives de la Préfecture de police, exposé par le comité du district de Saint-Roch, et jugement du Tribunal de police, 15 mai 1790.