Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 3, 1909.djvu/203

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
187
L’ASSEMBLÉE CONSTITUANTE ET SON ŒUVRE


« durement senti l’autorité exercée sur eux au nom de leurs princes, toute limitation de cette autorité leur paraît désirable. Comme jusqu’ici ils n’ont jamais senti les inconvénients d’un pouvoir exécutif trop faible, les désordres qu’on peut craindre de l’anarchie ne leur font encore aucune impression. » — « Ils veulent une constitution américaine avec un roi au lieu d’un président[1], sans réfléchir qu’ils n’ont pas de citoyens américains pour porter cette constitution… S’ils ont le bon sens de donner aux nobles, en tant que nobles, quelque portion de l’autorité nationale, cette constitution libre durera probablement. Mais autrement elle dégénérera soit en une monarchie pure, soit en une vaste république, une démocratie. Celle-ci peut-elle durer ? Je ne crois pas ; je suis sûr que non, à moins que la nation entière ne soit changée. » — Un peu plus tard, lorsqu’ils renoncent à la monarchie parlementaire pour y substituer « une démocratie royale », tout de suite on leur explique qu’une pareille institution appliquée à la France ne peut produire que l’anarchie et aboutir qu’au despotisme. « Nulle part[2] la liberté n’a été stable sans le sacrifice de ses excès, sans une barrière à sa toute-puissance… Sous ce misérable gouvernement… le peuple, bientôt las des orages et livré sans défense légale à ses séducteurs ou à ses oppresseurs, brisera le timon ou le placera lui-même dans la main assez hardie pour s’en emparer. » — De mois en mois, les événements

  1. Morris, 4 juillet 1789.
  2. Mallet du Pan, Mercure, 26 septembre 1789.