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L’ASSEMBLÉE CONSTITUANTE ET SON ŒUVRE


semblée, on peut juger des services qu’auraient rendus ses collègues. Sur 291 membres du clergé[1], il y a bien 48 évêques ou archevêques, et 35 abbés ou chanoines ; mais, à titre de prélats largement rentés, ils excitent l’envie de leur ordre et sont des généraux sans soldats. Même spectacle dans la noblesse : la plupart, gentilshommes de province, ont été élus en opposition aux grands de la cour. D’ailleurs ni les grands de la cour, occupés par la vie mondaine, ni les gentilshommes de province, confinés dans la vie privée, n’ont la pratique des affaires publiques. Parmi eux, une petite bande, 28 magistrats et une trentaine d’officiers supérieurs, ayant commandé ou administré, ont probablement la notion du péril social ; mais c’est justement pour cela qu’ils semblent arriérés et restent sans influence. — Dans le Tiers-État, sur 577 membres, dix seulement ont exercé de grandes fonctions, celles d’intendant, de conseiller d’État, de receveur général, de lieutenant de police, de directeur de la monnaie, et d’autres analogues. La grosse majorité se compose d’avocats inconnus et de gens de loi d’ordre subalterne, notaires, procureurs du roi, commissaires de terrier, juges et assesseurs de présidial, baillis et lieutenants de bailliage, simples praticiens enfermés depuis leur jeunesse dans le cercle étroit d’une médiocre juridiction ou d’une routine paperassière, sans autre échappée que des promenades philosophiques à travers les espaces imaginaires, sous la conduite de Rousseau et de Raynal. De cette

  1. Voir la liste imprimée des députés, avec indication de leur bailliage ou sénéchaussée, qualité, condition et profession.