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LA RÉVOLUTION


les pères ont été tués à l’attaque de la Bastille[1] ». Enthousiasme et brouhaha : la scène semble copiée de Berquin, et, de plus, compliquée d’une réclame commerciale ; mais on n’y regarde pas de si près, et l’Assemblée, sous la pression des tribunes, condescend à subir des parades de foire. Soixante vagabonds payés douze francs par tête, habillés en Espagnols, Hollandais, Turcs, Arabes, Tripolitains, Persans, Indous, Mongols, Chinois, et conduits par le prussien Anacharsis Clootz, viennent, sous le nom d’ambassadeurs du genre humain, déclamer contre les tyrans, et on les admet aux honneurs de la séance. — Cette fois du moins la mascarade est un coup monté pour brusquer et extorquer l’abolition de la noblesse[2]. D’autres fois, elle est presque gratuite, et le ridicule en est incomparable, car la farce s’y joue, comme dans une distribution de prix au village, avec conviction et avec sérieux. Pendant trois jours les enfants qui viennent de faire leur première communion devant l’évêque constitutionnel ont été promenés dans Paris ; ils ont récité aux Jacobins l’amphigouri dont on a chargé leur mémoire, et, le quatrième jour, admis à la barre de l’Assemblée, leur orateur, un pauvret de douze ans, recommence sa tirade de perroquet sifflé. Il finit par le serment d’usage, et là-dessus tous les autres crient de leurs voix aiguës :

  1. Moniteur, 23 octobre 1789.
  2. Ferrières, II, 65 (10 juin 1790). — Montlosier, I, 402. « L’un de ces figurants vint le lendemain chercher sa paye chez le comte de Billancourt, qu’il prenait pour le duc de Liancourt. Monsieur, lui dit-il, c’est moi hier qui faisais le Chaldéen. »