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LA RÉVOLUTION


« sienne, cent cannes levées lui en font perdre l’envie[1] ». — Ce sont tous les symptômes avant-coureurs d’une crise ; dans ce grand corps fiévreux et douloureux, un abcès énorme s’est formé et va percer.

Mais, comme d’ordinaire, il a pour centre un foyer purulent, composé des passions les plus vénéneuses et des motifs les plus sales. Des femmes et des hommes immondes ont été embauchés. De l’argent a été distribué. — Est-ce par les intrigants subalternes qui exploitent les velléités du duc d’Orléans, et lui soutirent des millions sous prétexte de le faire lieutenant-général du royaume ? Est-ce par les fanatiques qui, depuis la fin d’avril, se cotisent pour débaucher les soldats, lancer les brigands, tout niveler et tout détruire ? Toujours est-il que des Machiavels de place publique et de mauvais lieu ont remué les hommes du ruisseau et les femmes du trottoir[2]. — Du premier jour où le régiment de

  1. Ces voies de fait n’étaient pas des représailles, rien de semblable n’avait eu lieu au repas des gardes du corps (1er  octobre). « Au milieu de la joie générale, dit un témoin oculaire, je n’entendis aucune insulte adressée à l’Assemblée nationale, ni au parti populaire, ni à qui que ce fût. On cria seulement : Vive le roi ! vive la reine ! nous les défendrons jusqu’à la mort. » (Mme de la Rochejaquelein, 40. — Id., Mme Campan, autre témoin oculaire.) — Il paraît certain seulement que des jeunes gens de la garde nationale de Versailles retournèrent leurs cocardes pour être comme tout le monde et peut-être aussi que des dames distribuèrent des cocardes blanches. Le reste est une légende fabriquée avant et après coup, pour provoquer et justifier l’insurrection. — Cf. Leroi, Histoire de Versailles, II, 20 à 107. — Id., 41. « Quant à la proscription de la cocarde nationale, tous les témoins nient positivement le fait. » Gorsas, rédacteur au Courrier de Versailles, est le premier auteur de la calomnie.
  2. Procédure criminelle du Châtelet. Dépositions 88, 110, 120,