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LA RÉVOLUTION


pour achever la conversion de l’Assemblée, Saint-Huruge, le plus bruyant aboyeur du Palais-Royal, marche avec quinze cents hommes sur Versailles. En effet, du haut de son savoir, de son intégrité, de sa réputation immaculée, le club du jardin a décidé « qu’on doit renvoyer les députés ignorants, corrompus et suspects ». Qu’ils soient tels, on n’en peut douter, puisqu’ils défendent la sanction royale ; il y en a six cents et davantage, dont cent vingt députés des Communes, qu’il faut chasser au préalable, puis mettre en jugement[1]. En attendant, on les avertit, ainsi que l’évêque de Langres, président de l’Assemblée nationale : « Quinze mille hommes sont prêts à éclairer leurs châteaux, et le votre particulièrement, Monsieur. » Pour préciser, on informe par écrit les secrétaires de l’Assemblée que « deux mille lettres » vont partir pour les provinces et dénoncer au peuple la conduite des députés pervers : « Vos maisons répondront de vos opinions ; songez-y et sauvez-vous ! » — Enfin, le lendemain 1er août, cinq députations du Palais-Royal, l’une conduite par Loustalot, viennent tour à tour à l’Hôtel de Ville, pour demander que l’on batte la caisse et que l’on convoque les citoyens, à l’effet de renouveler les députés ou leur mandat, et d’arrêter que l’Assemblée nationale suspendra ses délibérations sur le veto jusqu’à ce que les districts et les provinces aient prononcé : en effet, seul souverain, seul compétent, le peuple a toujours le droit de chasser ou

  1. Buchez et Roux, I, 368-376. — Bailly, II, 326, 341. — Mounier, ib., 62, 75.