Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 3, 1909.djvu/160

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
146
LA RÉVOLUTION


tuer avec ceux qui ont voté pour lui, et des listes de proscription, où sont inscrits plusieurs députés, commencent à courir. — À partir de ce moment, dans toutes les grandes délibérations, abolition du régime féodal, suppression des dîmes, déclaration des Droits de l’homme, question des deux Chambres, veto du roi[1], la pression du dehors fait pencher la balance : c’est ainsi que la Déclaration des Droits, repoussée en séance secrète par vingt-huit bureaux sur trente, est imposée par les tribunes en séance publique, et passe à la majorité des voix. — Comme avant le 14 juillet et encore davantage, deux sortes de contraintes infléchissent les votes, et c’est toujours la faction régnante qui, par ses deux mains réunies, serre à la gorge les opposants. D’une part, elle siège dans les galeries par des bandes presque toujours les mêmes, « cinq ou six cents acteurs permanents », qui crient d’après des signes convenus et sur un mot d’ordre[2]. Beaucoup sont des gardes françaises

  1. Bouillé, 207. — Lally-Tollendal, ib., 141, 146. — Mounier. ib., 41, 60.
  2. Mercure de France, 2 octobre 1790. (Article de Mallet du Pan : « J’en ai été témoin. » — Procédure criminelle du Châtelet sur les événements des 5 et 6 octobre. Déposition de M. Feydel, député, n° 148. — Montlosier, I, 259. — C. Desmoulins (la Lanterne). « Petit à petit, quelques membres des Communes se laissent gagner par des pensions, des projets de fortune, des caresses. Heureusement, il y a les galeries incorruptibles, toujours du côté des patriotes. Elles représentent les tribuns du peuple qui assistaient sur un banc aux délibérations du sénat et qui avaient le veto. Elles représentent la capitale et, heureusement, c’est sous les batteries de la capitale que se fait la Constitution. » (C. Desmoulins, politique naïf, laisse toujours le chat s’échapper hors du sac.)