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L’ANARCHIE SPONTANÉE


« étang, lorsqu’un régiment qui passait les sauva… ; le baron de Montjustin, l’un des vingt-deux gentilshommes populaires, suspendu pendant une heure dans un puits, et entendant délibérer si on le laisserait tomber, ou si on le ferait périr d’une autre mort… ; le chevalier d’Ambly arraché de son château, traîné nu dans son village, mis dans du fumier, après avoir eu les sourcils et tous les cheveux arrachés, pendant qu’on dansait autour de lui. » — Au milieu de la société dissoute, et sous un simulacre de gouvernement, il est manifeste qu’une invasion s’accomplit, invasion barbare, qui achèvera par la terreur ce qu’elle a commencé par la violence, et qui, comme celles des Normands aux dixième et onzième siècles, aboutit par la conquête à l’expropriation de toute une classe. Vainement la garde nationale et le reste des troupes fidèles finissent par arrêter son premier flot ; vainement l’Assemblée lui creuse un lit et tâche de l’endiguer dans des limites fixes. Les décrets du 4 août et les règlements qui suivent ne sont que des toiles d’araignée mises en travers d’un torrent. — Bien mieux, les paysans, interprétant les décrets à leur guise, s’autorisent de la loi nouvelle pour continuer ou recommencer. Plus de redevances, même légitimes, même légales. « Hier[1],

  1. Doniol, La Révolution et la féodalité, 60. (Quelques jours après le 4 août.) — Archives nationales, H, 784. Lettres de M. de Langeron, commandant militaire à Besançon, 16 et 18 octobre. — Ib., D, XXIX, I. Lettre du même, 3 septembre. — Arthur Young (en Provence, Chez le baron de la Tour-d’Aigues). « Le baron a beaucoup souffert de la Révolution. Une grande quantité de