Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 3, 1909.djvu/129

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
115
L’ANARCHIE SPONTANÉE


gneur et ne pas la porter, c’est mériter d’être pendu. À Mamers, dans le Maine, M. de Beauvoir qui la refuse est sur le point d’être mis au carcan et assommé sur la place. Près de la Flèche, M. de Brissac est arrêté et l’on envoie demander à Paris s’il faut l’y conduire, « ou le décoller provisoirement ». Deux députés de la noblesse, MM. de Montesson et de Vassé, qui venaient demander à leurs commettants la permission de se réunir au Tiers-État, sont reconnus auprès du Mans ; peu importe leur scrupule honorable, leur mandat impératif, la démarche qu’ils font en ce moment même pour s’en délivrer ; il suffit qu’à Versailles ils aient voté contre le Tiers ; la populace les poursuit, met en pièces leurs voitures et pille leurs malles. — Malheur aux nobles, surtout s’ils ont eu part au pouvoir local, et s’ils s’opposent aux paniques populaires ! M. Cureau, lieutenant au maire du Mans[1], avait donné des ordres pendant la disette, et, retiré dans son château de Nouay, disait aux paysans que l’annonce des brigands était une fausse alarme : selon lui, il ne fallait pas sonner le tocsin, et il n’y avait qu’à se tenir tranquille. Donc il s’entend avec les brigands ; de plus, c’est un accapareur et il achète les récoltes sur pied. Les paysans l’emmènent, avec un autre M. de Montesson, son gendre, jusqu’au village voisin où

    I, 140. — Arthur Young, 26 juillet, etc. — Buchez et Roux, IV, 166. Lettre de Mamers, 24 juillet ; du Mans, 26 juillet.

  1. Montjoie, ch. lxxii, 93 (d’après les actes de la procédure légale). Dans la bande était un soldat qui avait servi sous M. de Montesson et voulait se venger des punitions qu’il avait subies au régiment.